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Comprendre les enjeux européens de la culture

@laculture.info
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Communiqué de la ministre suivi des enjeux européens de la culture classique : Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication a participé au conseil des ministres de la culture et de l’audiovisuel de l’Union européenne qui s’est tenu à Bruxelles. A la demande de l’Allemagne, la négociation du projet de partenariat transatlantique a été au cœur des discussions. La Ministre a rappelé la nécessité de respecter strictement le mandat de négociation fixé l’an dernier par le conseil, en particulier les objectifs de diversité culturelle et l’exclusion des services audiovisuels. La Ministre a rappelé que le respect de ce mandat était une condition au succès des négociations. Les ministres ont également demandé une plus grande transparence et une information régulière de la part de la Commission.

En réponse, le commissaire Karel de Gucht s’est engagé à respecter strictement son mandat.

Les ministres de la culture et de l’audiovisuel européens, qui avaient fortement plaidé pour le respect de l’exception culturelle dans le mandat de la Commission, restent donc vigilants et mobilisés pour en assurer le respect.

Au-delà, la période de renouvellement des institutions européennes est l’occasion de définir une approche plus cohérente et stratégique des politiques culturelles au niveau européen. Dans la foulée du forum de Chaillot organisé les 4 et 5 avril derniers, la France a mis sur la table une proposition détaillée de plan stratégique pour l’action de la future Commission en matière culturelle, qui tienne pleinement compte des nombreux défis posés par la transition numérique.
Ce plan donnera lieu à des discussions approfondies entre les Etats membres et la Commission, pour être adopté en novembre 2014.

Source

Forum de Chaillot – Interview de William Christie par culture-gouv

Les enjeux européens de la culture classique

La crise que traverse actuellement l’Europe n’est pas seulement économique, mais surtout morale et politique. Cette crise est souvent analysée comme une crise de confiance sur le plan économique, mais aussi politique, voire culturel. Or, l’UE ne peut remplir sa mission que si ses membres ont un fort sentiment d’unité et d’appartenance. L’objectif de cet article est de rappeler que l’Europe dispose déjà d’une base culturelle commune, qui pourrait servir à consolider sa cohésion : la civilisation gréco-romaine et judéo-chrétienne.
Introduction : La cohésion de l’Europe en épreuve
L’Europe est en crise ! Les gouvernements nationaux et les institutions européennes essaient de trouver les solutions qui vont aider le Vieux Continent à retrouver le chemin de la croissance. On s’efforce de résoudre la crise en proposant des remèdes économiques traditionnels. Ainsi, les politiques d’austérité plongent les pays du Sud de l’Europe dans la récession et la pauvreté. Sans vouloir remettre en question qu’il est non seulement légitime, mais aussi nécessaire de chercher la solution des problèmes économiques dans les mesures d’ordre financier, il est plus qu’évident que ces mesures ne suffisent pas. D’un côté, il ne faut pas oublier que la crise n’est pas seulement économique, mais surtout morale et politique. De l’autre, au niveau européen, l’incapacité des gouvernements nationaux et de l’Union européenne à faire face à la situation précaire reflète le manque de confiance des citoyens européens à l’égard des hommes politiques et des institutions étatiques et européennes. La raison de ce manque de confiance est la conviction générale que l’UE n’incarne plus les valeurs pour lesquelles elle a été fondée – ces dernières sont décrites dans le préambule du Traité de Rome.

Or, l’Etat ou l’Europe ne peuvent remplir leur mission que si leurs membres ont un fort sentiment d’unité et d’appartenance. Cette crise est souvent analysée comme une crise de confiance sur le plan économique, mais aussi politique, voire culturel. Admettons-le : le manque de confiance au niveau économique reflète l’absence de confiance entre les peuples de l’Europe. La solidarité entre les peuples du continent a été la valeur fondamentale de l’Union Européenne, fondée sur les cendres de la Deuxième Guerre Mondiale. Cette solidarité est loin d’être l’impression ressentie de nos jours : les peuples du Sud de l’Europe interprètent les programmes d’austérité comme une intention de domination de la part des Nord-Européens, qui, en revanche, regrettent que leur argent soit gaspillé pour aider les Sud-Européens dit « paresseux » ou « prodigues ».

L’héritage gréco-romain et chrétien et l’identité européenne
Par conséquent, il est plus que nécessaire que l’unité entre les peuples de l’Europe soit renforcée. L’objectif de cet article est de rappeler que l’Europe dispose déjà d’une base culturelle commune, qui pourrait servir à consolider sa cohésion. L’identité européenne se fonde en effet sur deux piliers : la civilisation gréco-romaine et judéo-chrétienne. Toute la culture européenne a été bâtie sur les concepts qui apparaissent dans les textes antiques et bibliques. Toutefois, comme David Engels l’a évoqué dans son ouvrage intitulé Le Déclin : La crise de l’Union européenne et la chute de la République romaine : quelques analogies historiques, la tendance générale est de mettre à l’écart cette base de civilisation commune, en considérant toute référence à elle comme un indice d’anachronisme et d’intolérance à l’égard des autres civilisations, qui ne sont pas construites sur les mêmes bases. En contrepartie, on essaie de créer une nouvelle identité européenne en se fondant sur des valeurs désirables mais assez vagues, pour que l’Européen moyen puisse s’y identifier : l’égalité, la tolérance, la liberté, les droits de l’Homme par exemple.

Sans ignorer aucunement la nécessité d’un dialogue continu entre les civilisations, l’identité européenne a pour autant besoin d’une base de référence solide et précise. Ne prétendons pas que la culture classique va résoudre tous les problèmes actuels de l’UE. Les mesures économiques et politiques restent nécessaires. Néanmoins, à long terme, elle peut fournir à l’Europe ce qui lui est indispensable pour sa cohésion : le sentiment d’appartenance à une continuité historique et culturelle commune.

L’Europe unie, une nouvelle Rome ?
En outre, le passé commun d’une grande partie des peuples européens peut également servir de source d’inspiration pour l’établissement d’un nouveau modèle de relation entre chacune des nations européennes et l’UE. Concrètement, une question souvent posée est celle de savoir si l’on doit éliminer l’existence et le rôle des Etats-nations qui composent l’UE au nom de l’unification du continent. D’un côté, une telle évolution ne serait pas acceptable de la part des peuples européens et de l’autre, elle détruirait ce qui constitue la richesse de l’Europe : sa diversité. Ainsi, au lieu de renforcer l’unité de l’Europe, on aboutirait à la montée des nationalismes avec tout ce qui peut en découler. Il importe donc de trouver un modèle qui assure l’unité de l’Europe, tout en respectant les divergences entre les différentes nations du continent. Le modèle de la domination romaine sur le bassin méditerranéen peut nous inspirer mutatis mutandis. Il faut admettre que cette domination était légitimée par la force des armes. Cela n’a pas empêché que le modèle culturel et politique de Rome soit devenu au fur et à mesure le centre de référence commun de tout le monde gréco-romain. Tout en tenant à leurs traditions culturelles diverses, les populations assujetties étaient de plus en plus nombreuses à considérer Rome comme une sorte de patrie universelle. Cicéron décrit de manière pertinente ce modèle :

« Par Hercule, moi, je suis de l’avis que lui, ainsi que tous les citoyens des municipes ont deux patries, l’une par nature et l’autre par droit. De la même manière que Caton a été admis à la cité du peuple romain, bien que né à Tusculum, ainsi, Tusculan d’origine et Romain par citoyenneté, avait-il l’une comme patrie de lieu et l’autre comme patrie de droit. Comme vos Attiques, avant que Thésée les a ordonnés de déménager de la campagne à ce qu’on appelle l’astu et de se réunir tous, ils étaient à la fois originaires de leur communauté et Attiques, ainsi considérons-nous comme patrie non seulement celle où on est nés, mais aussi celle par laquelle nous avons été reçus.» (Cic. Leg. 2.5)

On pourrait envisager l’Europe contemporaine à la place de Rome et les Etats-nations à la place des municipia. La différence de la Rome antique avec l’Europe actuelle est le fait que cette dernière dispose déjà d’un système de valeurs commun. En revanche, la Rome antique s’est imposée d’abord par la force des armes et ensuite, elle a dû former son propre système de valeurs commun, en mélangeant des éléments romains avec des influences grecques importantes. C’est cette idéologie « universaliste » qui a donné à Rome son attrait politique et culturel. L’Europe du XXIème siècle ne doit pas recourir à la force des armes afin d’imposer sa propre vision politique. Il suffit pour elle de rappeler aux Européens qu’ils sont tous porteurs d’un héritage commun. Notre continent a besoin d’une nouvelle Renaissance, qui va l’aider à retrouver son identité. Pour promouvoir cette réinterprétation du passé commun, il faut tout d’abord prendre la décision politique de changer l’orientation de l’UE. Cette dernière institution se fonde actuellement sur le marché commun et la monnaie unique. Or, les événements ont montré que ces principes ne suffisent aucunement pour consolider son unité. Une fois la décision prise de faire de l’héritage classique la base de l’identité européenne commune, cette nouvelle idéologie pourrait parcourir tous les domaines de l’activité des Européens : art, éducation, architecture, politique…

Conclusion
On peut reprocher à ce projet d’être trop idéaliste. Il n’en reste pas moins que ces réflexions indiquent que la culture classique ne concerne pas que les spécialistes érudits de l’Antiquité. C’est un domaine qui comporte des enjeux politiques très actuels pour l’existence même de l’Europe en tant qu’entité politique. La mise de côté de cette culture au nom du « développement » et du « progrès » ne fera que priver l’Europe de ses racines, dans une époque où c’est un lieu commun de constater que les citoyens européens ont du mal à s’identifier à l’UE.

article : Georges Vassiliades, “Les enjeux européens de la culture classique”, Nouvelle Europe, Mercredi 18 septembre 2013, http://www.nouvelle-europe.eu/node/1735