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Théâtre National de Strasbourg : Donner leur place aux acteurs et aux metteurs en scène

Stanislas Nordey
Stanislas Nordey

S’associer aux auteurs, redonner de la place aux acteurs… Nommé à la tête du Théâtre National de Strasbourg en septembre, Stanislas Nordey a affirmé quelques grands axes de son projet artistique lors de sa conférence de presse du 24 mars.
Il l’a dit à plusieurs reprises pendant sa conférence de presse parisienne, tenue à La Colline, juste avant celle de Strasbourg, le même mardi 24 mars : c’est bien parce que le Théâtre National de Strasbourg abrite en son sein la prestigieuse école supérieure de théâtre formant à tous les métiers de la scène qu’il a nourri par deux fois le vif désir d’y postuler. Et c’est en septembre dernier que la nomination en 2014 de Stanislas Nordey a été confirmée, après quelques remous liés au vrai-faux départ de la directrice précédente Julie Brochen.

Stanislas Nordey à 48 ans, et déjà derrière lui une vie de compagnie, d’acteur et de jeune directeur de théâtre (au TGP de Saint-Denis, de 98 à 2001, pour une aventure tellement riche qu’elle fut vertigineuse d’un point de vue budgétaire… mais rééquilibrée à la fin), de pédagogue passionné à la direction de l’école du TNB, à Rennes, de 2000 à 2012, de metteur en scène fêté (artiste associé du Festival d’Avignon 2013)…

Parcours d’artiste : Stanislas Nordey ou l’insolence

Tout sourire, plein d’enthousiasme et d’allant, le nouveau capitaine du TNS nous a raconté pourquoi il a finalement décidé de renoncer à un certain « confort de créateur » pour mettre à nouveau les mains dans le cambouis : « c’est une question de responsabilité posée à ma génération, car il s’agit pour nous de continuer à réfléchir de manière active au renouvellement de l’institution ». Les attentats de janvier devant, selon lui, pousser artistes et directeurs de théâtre à mouiller davantage leur chemise car « la fréquentation de l’art peut éloigner la barbarie. J’en fais l’expérience dans les ateliers de théâtre, quand les gamins finissent par réussir à regarder vraiment l’autre en face. »

Tisser des liens dans le Grand Est

Et Stanislas Nordey de dépeindre avec conviction le TNS de demain… L’un des six Théâtres Nationaux, mais le seul en région qu’il veut remettre au centre du paysage : en lien avec son homologue parisien de La Colline comme avec toutes les forces actives du Grand Est – Le Maillon à Strasbourg, La Filature à Mulhouse, La Comédie de l’Est à Colmar, La Manufacture de Nancy, le Festival de Bussang… TNS qu’il souhaite partager pendant les cinq ou six ans de son mandat avec une brigade d’acteurs, de metteurs en scène et d’auteurs, tour à tour associés aux spectacles comme aux programmes pédagogiques de l’école…

Compter sur le mécennat

Avec quels sous ? A budget contraint, pas augmenté : il le sait d’avance, il l’a intégré. Stanislas Nordey compte sur la non-reconduction d’une compagnie permanente de quelques comédiens, sur l’augmentation de la billetterie (et sur le rayonnement, à nouveau, des productions maison) pour retrouver la marge de manœuvre nécessaire à son projet dans les 10,6 millions d’euros de budget annuel du grand navire (trois salles et une école, des ateliers de décors et de costumes, 98 salariés). Sans oublier le mécénat… Un mot nouveau dans sa bouche ! Il dit compter sur la fondation Rothschild pour mener à bien toute son action de renouvellement du public, et permettre l’accès à la culture des défavorisés via une quarantaine de lectures et de manifestations gratuites conduites hors les murs comme une deuxième saison en marge de la principale. Pour trouver aussi les moyens de renouveler le recrutement et l’appartenance sociale (la diversité aussi) des candidats à l’école du TNS.

S’associer aux auteurs et reconsidérer les classiques contemporains

Si l’on doit retenir un axe majeur de son projet artistique, c’est celui des auteurs. Il souhaite les remettre au centre de la vie du théâtre, chose de plus en plus rare dans un paysage où la profession s’entiche parfois outre mesure des formes hybrides, où « les directeurs de théâtre ne lisent pas les textes ». Il cite comme associés Falk Richter (l’auteur metteur en scène allemand qu’il a souvent monté) et Pascal Rambert (pour qui il a fait l’acteur), il y en aura d’autres… Nordey affirme aussi la volonté de reconsidérer au fil des comités de lecture les « classiques contemporains » des quarante dernières années (par exemple Michel Deutsch, Michel Azama, Enzo Cormann, Christophe Pellet, Peter Handke)… Curieusement, il ne cite pas Bernard-Marie Koltès… C’est l’assitance qui l’évoque.

Donner leur place aux acteurs et aux metteurs en scène

Autre ligne affirmée haut et fort : la place (respectant la parité homme/femme) donnée aux acteurs comme aux metteurs en scène pour nourrir la vie du théâtre et de l’école. Il promet à dix metteurs en scène d’alterner sur deux ans au moins un spectacle et un programme pédagogique. Des heureux élus prometteurs comme les deux valeurs montantes que sont les jeunes metteurs en scène Thomas Jolly et Julien Gosselin, le poète-metteur en scène Lazare, ou les metteuses en scène Anne Théron, Christine Letailleur et Blandine Savetier. Les dix actrices et acteurs, eux aussi choisis avec un sens revendiqué de la parité (et destinés à œuvrer de la même manière sur scène comme à l’école) sont : Emmanuelle Béart, Audrey Bonnet, Valérie Dréville, Véronique Nordey, Nicolas Bouchaud, Vincent Dissez, Claude Duparfait, Laurent Poitrenaux, Laurent Sauvage et Dominique Reymond.

Mettre Laclos, Pamuk, Bolaño et Mouawad au programme

Le contenu de la première saison qu’il signera à partir de l’automne sera révélé en juin. Mais il a lâché quelques éléments : deux spectacles différents inspirés des Liaisons dangereuses de Laclos, un autre d’après le prix Nobel de littérature Orhan Pamuk, une adaptation avec dix-sept comédiens par Julien Gosselin d’un roman du chilien Roberto Bolaño… Et surtout la reprise d’Incendies, pièce de son complice Wajdi Mouawad qu’il avait si sobrement et intensément mise en scène… Une belle façon de se présenter au public de Strasbourg !

Prochainement au Théâtre National de Strasbourg :

Z (Grèce) d’après le roman de Vassilis Vassilikos,

mise en scène Effi Theodorou,

du 8 au 14 avril ;

Pantagruel, adaptation et mise en scène Benjamin Lazar,

du 15 au 24. Tél. 03 88 24 88 24

www.tns.fr

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